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Pas à pas ...
19 novembre 2008

DE BARSKOON A EKI-NARYN : Jour 1 à jour 10

Obnubilés par la recherche puis l'attente du matériel manquant, nous avons complètement mis de côté la réparation de la selle russe revendue par Rosh et la préparation des autres pour y installer les lacets qui serviront à attacher les sacoches aux selles. Celles-ci, bien différentes des selles en cuire travaillé qui accueillaient nos fessiers une fois par semaine aux cours d'équitation du manège de Vincennes les 3 mois précédent notre voyage, sont formées de deux plaques en bois protégées d'un tapis feutré, et qui, posées de chaque côté de la colonne du cheval sont reliées par une hanse métallique à l'avant et à l'arrière sur lesquelles repose un siège en cuire rudimentaire. Fort heureusement, l'acquisition de peaux de mouton à poils longs nous rendent l'assise plus confortable! Nous piétinons d'impatience et même si le début de l'après-midi est déjà bien entamé nous décidons de partir pour une petite étape qui nous mettra sur la route.

Les trois chevaux chargés de leurs sacoches - deux gros sacs de toile reliés et disposés de chaque côté de la croupe- nous mettons enfin le pied à l'étrier pour plonger dans cette aventure qui nous excite et nous effraie à la fois.

Mais avant tout, faisons une petite présentation de notre belle équipe:

081117_Kirghizistan_150GASTON : 10 à 12 ans environ. Vieil hongre aguerrit aux airs snobs de bourgeois et à la robe blanche tachetée de gris. Calvitie de crinière déjà bien avancée. Vieux patachon maladroit et peureux mais d'une résistance féroce et d'une volonté de fer quand il l'a décidé. Tracteurs, barrières métalliques, grosses pierres, ponts...sont à ses yeux de terrifiants dangers potentiels qu'il aborde avec méfiance en faisant brusquement un pas de côté, les yeux sortis des orbites. S'il pouvait parler il se plaindrait parfois auprès du syndicat des "chevaux porteurs de touristes" pour la qualité de l'herbe et les journées de travail trop longues.

081117_Kirghizistan_140DJ MINIMOÏ : Âge moyen 4 à 7 ans d'après les connaisseurs (ça se voit aux dents parait-il). Dandy coquet et frimeur, ne supporte pas la boue sur ses jolies papattes et sa robe grise de minet parsemée de "tâches de beauté". Dragueur invétéré, il puise ses talents et sa technique dans ses origines italiennes et fait les yeux doux à Gaëlle qui craque et laisse passer trop de ses caprices de "jeune beau". S'il le pouvait, il s'enduirait la crinière de Gomina. Par contre, le moindre bruit suspect et il s'emballe la queue entre les pattes ! Pourtant, il doit son nom à ses cordes vocales qu'il fait admirablement vibrer comme des platines au rythme de ses pas.

081117_Kirghizistan_143RAKAM LE BRUN : Jeune étalon de 3 ans environ. Lui, doit son nom à son oeil borgne. Une grande crinière de jeune ado lui tombe devant les yeux par dessus son petit éclair blanc. Bonne patte, il file droit et ne se plaint pas des nombreuses blessures occasionnées par le froid et les frottements de la selle plus nombreux pour un cheval de bas. Un peu bourru et casse-cou, il avance en de grandes enjambées suivant le gros derrière de Gaston qui se dandine à petits pas rapides. Parfois il pète les plombs dans d'acrobatiques et impressionnantes ruades qui ne durent heureusement pas longtemps.

ADILET : Jeune Kirghize de 21 ans qui baragouine quelques mots de français et dont les phrases favorites sont "c'est bon, c'est bon !" (la pédagogie n'est pas son fort) et "je ne sais pas". Entre ses sauts d'humeur, il aime chanter "Santiano" que David lui a appris. Il a l'avantage de ses inconvénients puisque grâce à lui nous apprenons vite à nous débrouiller seuls. Face à ces deux touristes français qui veulent tout savoir et tout comprendre alors que nous n'avons pas de langue commune, seulement un dictionnaire de conversation Russe, ses rudiments de français et nos rudiments de russe, Adilet fait preuve d'une grande patience et quand il l'a décidé recouvre le sourire et n'est pas rancunier.   

DAVID ou "PAPA" : S'attache avec beaucoup d'ardeur à l'éducation des "petits" pour que règne la bonne entente dans l'équipe.

GAELLE ou "OEIL DE LYNX" ou "MAMAN" : Attentive au moindre bruit dans la nuit, son instinct maternelle ou protecteur rend les nuits très agitées.

Et voilà la fière équipe en route. Rapidement, nous empruntons un chemin raide escaladant les montagnes qui nous narguent depuis notre arrivée au Lac Issyk-kölIssyk-köl. Première démonstration de force et de puissance de nos chevaux.

Le deuxième jour, nous croisons notre première yourte dont les occupants connaissent Rosh et Gulmira. L'homme qui nous reçoit vit ici avec sa femme, ses deux enfants et son père pendant la période des pâturages d'été et retournera en ville à l'approche du froid fin septembre. Déchaussés, installés autour d'une nappe, on nous offre le traditionnel accueil Kirghize : confiture, thé et pain. Les tasses de thé s'enchaînent l'une après l'autre puis nous repartons égaillés par 2 shots de vodka que nous n'avons pu refuser. A peine notre campement mis en place, une petite pluie fine s'installe et va nous accompagner avec plus ou moins d'intensité jusqu'au 5ème jour.

La nuit, le principal danger, mis à part les voleurs de chevaux - dont on nous a souvent mis en garde - sont les meutes de chevaux, nombreuses au KirghizistanKirghizistan, qui viennent rendre visite à nos "petits". Une morsure, un coup de sabot mal placé pourraient mettre notre voyage en péril. De plus, tentés de fuir, les chevaux pourraient réussir à déloger le piquet qui les retient dans la terre et prendre ses pattes à son cou. Heureusement, le mécanisme de la peur ou la surprise fait hennir nos chevaux lorsque les inconnus s'approchent de trop près. Il faut alors s'extirper du duvet, de la tente et se lancer à la poursuite de la meute en criant "tcho!" et en agitant les bras pour faire fuir les intrus. Assez rapidement notre temps de réaction diminue et nous sommes sur les lieux en un temps record!

La levée de camp des 2 premiers jours est laborieuse, nous organisons et réorganisons, ajustons et réajustons le poids des sacoches pour ne pas blesser les chevaux sous le regard d'Adilet qui traduit un mélange d'étonnement et d'agacement. Puis l'équipe s'organise et les gestes quotidiens deviennent des habitudes.

Au troisième jour, nous réussissons à lever le camp suffisamment tôt pour une longue étape sous une pluie fine quasi-permanentequasi-permanente et une brume épaisse. Nous fuyons maintenant les raccourcis en forêt dans les chemins étroits et difficiles pour nos chevaux chargés. Mais, du paysage qui semble pourtant magnifique, nous n'apercevons que les reliefs proches qui se dessinent sous l'épaisse couche de brume. Nous avançons 3 jours durant le dos courbé sous nos capes de pluies ridicules qui effraient les chevaux, affrontant la météo peu clémente qui semble s'être installée.

En chemin, nous croisons notre première rivière à traverser. Gonflée par les récentes pluies, celle-ci gronde avec force et terrorise nos chevaux et ... nous! De plus, un chauffeur téméraire y a laissé planté le bec dans l'eau sa petite voiture orange modèle russe qui laisse à peine la place pour le passage d'un cheval. Nous parvenons à la franchir un à un à grands coups de talons et de "tcho" qui est l'égal de notre "hue" français.

Rapidement, la patte de Rakam suscite nos premières inquiétudes : elle est très sensible et il boite légèrement. Nous envisageons les pires scénarios : revenir sur nos pas ou bien le revendre dès que nous atteindrons Naryn dans quelques jours. Pour l'heure, nous décidons de poursuivre la route en espérant que la pluie, qui ne facilite pas la cicatrisation d'une blessure à l'aine provoquée par les frottements de la sacoche, cesse rapidement. A cette occasion, nous observons attentivement notre professeur enduire de crème cicatrisante, la plaie qu'il approche à tâtons en caressant partout autour avec un bruit de bouche qui se veut rassurant avant de terminer par une caresse finale qui étale d'un doigté agile la crème. Plus efficaces que les essais catastrophiques de Gaëlle qui se jetait sur la plaie avant de se retirer brusquement pour éviter les coups de sabots!!

Le matin du 6ème jour, nous découvrons au réveil la vallée recouverte d'un fin manteau de neige tombée pendant la nuit. La toile de tente raidie par le gèle croule sous le poids de la neige. Nous attendons patiemment que le soleil traîne son rideau de lumière jusqu'à notre campement, transformant sous nos yeux le paysage qui recouvre son apparence de la veille, la brume en moins. En effet, les nuages ont foutu le camp et le soleil nous accompagnera dorénavant jusqu'au dernier jour de notre chevauchée. La bonne humeur retrouvée, nous dévalons la large vallée verte quand une femme sort de sa yourte et nous fait signe de nous approcher. Karaïkul, une grand-mère au visage marqué par d'épaisses lunettes qui vit ici avec ces deux petits enfants nous invite à prendre place sous sa yourte et nous offre l'habituel accueil Kirghize version luxe: thé, pain, confiture, demi-beurre, graisse de mouton en tranches, poudre de blé... dont David s'empresse de recopier la traduction sur son cahier d'écolier sous le regard curieux et attentif de la petite fille aux cheveux courts et dégaine de garçon manqué mais au sourire délicat de jeune fille. Son frère, 2 ans, rieur et malicieux s'empare discrètement des morceaux de graisse de mouton servis par son aïeule. Après la séance photos devant la yourte, nous remercions nos charmants hôtes et repartons sans rien leur donner en retour. Désormais nous aurons toujours à portée de main les Tours Eiffels porte-clefs de Paris, des cahiers et stylos pour les enfants.

L'interminable vallée verte parcourue où paissent de nombreux troupeaux de chevaux et brebis, nous traversons un pont qui aborde un paysage beaucoup plus sec et aride. Nous suivons un semblant de piste à travers les collines dorées par le soleil pour redescendre en suite en pente très raide en direction de la rivière que nous apercevons au loin. Le 2ème pont que nous sommes censés traverser reste introuvable et notre GPS a vite fait de nous expliquer le pourquoi du comment. Nous sommes partis vers l'ouest et non vers le Sud! Erreur de débutants... Mais l'endroit est délicieux et nous y établissons notre camp. Le lendemain, nous parvenons à rejoindre notre itinéraire après 2 heures d'ascension à pied, pour ne pas épuiser nos chevaux. En longeant les poteaux électriques qui traversent le paysage nous parvenons à la rivière que nous franchissons par un pont de bois à la solidité douteuse et qui laisse paraître par endroits à travers de longues fentes la rivière.

Puis, c'est le retour progressif à la civilisation: nous traversons quelques petits villages du bout du monde presque désertiques. Carte en mains placée sous une pochette plastique, Gaëlle regarde où nous pourrions faire l'étape lorsqu'une bourrasque fait vibrer la pochette dont le bruit terrorise DJ Minimoï. Celui-ci s'emballe aussitôt et part au grand galop. Pas le temps d'attraper les rennes et trop tard pour comprendre qu'il fallait lâcher la carte, Gaëlle se retrouve part terre après avoir roulé sur l'épaule. Quelques larmes de choc essuyées, la voilà remontée sur Minimoï sous le regard admiratif de David qui voyait déjà là la fin de notre périple.

Au dixième jour, nous préparons le chargement pour qu'Adilet puisse embarquer ses affaires et rentrer sur Barsköon dès la première voiture rencontrée. En souvenir, nous lui offrons une petite Tour Eiffel, geste qui le touche. Nous traversons Eki-Naryn, le premier vrai village depuis 10 jours.

Il est déjà 13 heures et toujours pas de voitures en direction de Naryn. Nous décidons de faire  une pause avec une vue magnifique au-dessus d'un canyon qui s'évase vers les montagnes d'où nous arrivons. Finalement, une camionnette de touristes japonais, le visage protégé par un masque blanc d'hôpital, s'arrête et accepte de prendre Adilet à bord (nous ne savons pas s'il a été obligé de porter le masque!) qui retrouve soudain son sourire et nous regardons s'éloigner dans un nuage de poussière la présence qui malgré tout nous rassurait.

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Commentaires
M
Hello les voyageurs, vous m'avez donné envie de vivre ces moments de liberté dans une nature sauvage. Bravo, pour vos textes et votre humour. <br /> Bises, Magali
Pas à pas ...
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