Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pas à pas ...

1 avril 2009

OUIDAH ET GRAN POPO : Du 18 mars au 1er avril

A Ouidah, le gérant de l'hôtel nous offre à partager des crabes délicieusement assaisonnés d'épices et d'oignons mitonnés. Çà sens l'océan tout proche.
Nous clôturons symboliquement notre voyage par un pèlerinage à la "porte du non retour". Cette porte, un arche en fait, a été érigée sur la plage d'où partirent des millions d'esclaves vers l'Amérique. L'histoire de ce bout de plage et le temps pluvieux donnent l'ambiance ... Nous retrouvons, avec le golf de Guinée, les vagues d'un océan que nous avions quitté quatre mois plus tôt à Dakar. Notre boucle ouest africaine et notre voyage touchent à leur fin.

Nous passons les 10 derniers jours à paresser dans un complexe touristique de bord de plage à Gran Popo. Heureusement nous sommes quasiment les seuls clients les jours de semaine. Entre un plouf dans la piscine et quelques brasses dans l'océan, on fait semblant de penser à un retour de toute façon improbable pour nos esprits nomades. On commence aussi notre thérapie gastronomique, remède de notre choix pour affronter le choc du retour. Nous dégustons de merveilleux produits de la mer : queue de langouste au vinaigre balsamique, crabes au basilic, soles grillées ...

Le 1er avril, c'est l'épilogue d'un très, très gros poisson d'avril : l'escapade d'un peu plus d'un an d'une acheteuse-conseil et d'un contrôleur de gestion à la rencontre des Hommes et de leur patrimoine ...   

Publicité
Publicité
1 avril 2009

ABOMEY - BENIN : du 13 au 15 mars

Arrivés à Abomey, nous nous décrassons de la poussière rouge amassée sur la route à l'arrière du "bâché" dans un hôtel doté du confort réclamé par David.

Le soir, nous faisons 2 découvertes: la difficulté à trouver de sympathiques petits maquis comme au Togo et celle des béninois à percuter ce qu'on leur dit, plus particulièrement les chauffeurs des "zem" (motos-taxi)!
L'un d'entre eux, sceptique sur le lieu que nous lui indiquons, commence par nous déposer en plein marché. La nuit tombée, chaque petite étale est éclairée d'une lampe à pétrole bricolée à partir de matériaux de récupération. Ces petites lueurs éparses donnent au lieu une ambiance mystique.
Nous peinons donc à trouver un maquis, tous ceux indiqués dans nos guides ayant été fermés ou déplacés. Un zem nous dépose dans un maquis au milieu de nul part où des jeunes femmes à moitié endormies surveillées du coin de l'oeil par une matrone nous proposent une sauce ''tête de poisson fromage rouge " ou "boyaux". Peu ragoûtant... Finalement la soirée se conclue dans un maquis animé au carrefour Goho: un riz-sauce, une bière et au lit!

Le lendemain, nous consacrons la journée à la visite des 2 palais restaurés du royaume d'Abomey. A l'origine, il en existait 12, ceux des 12 rois qui se sont succédés, chacun construisant son palais à côté de celui de son prédécesseur. Au total 40 ha classés au patrimoine mondial de l'UNESCO.
Une jeune femme se donnant de grands airs conduit la visite agrémentés d'explications claires mais rappelant sans cesse le "caractère chronométré de la visite". De belles fresques naïves en bas-relief reprennent les symboles des rois et des images cruelles de guerre. Les rois d'Abomey, entourés de leurs "amazones", ces femmes guerrières dont l'ablation du sein droit rendait plus précis leur tir à l'arc, étaient connus pour leur cruauté. Les têtes tombaient facilement au royaume. Grands esclavagistes, ils troquaient aux allemands, captifs de guerre contre canons français pour résister à l'armée française (l'ironie de la guerre!). Le dernier roi Behanzin est devenu le symbole national de la résistance aux colons français contre le général Dodds devant lequel il a été finalement contraint de déposer les armes en 1892.

Nous ne pourrons malheureusement pas rejoindre Cotonou par la voie ferrée, celle-ci étant fermée depuis quelques mois. L'homme auprès duquel nous nous informons à la gare nous conseille de revenir dans 2 mois!

1 avril 2009

KPALIME : Du 09 au 13 mars

Pour aller de Atakpamé à Kpalimé, bien qu'arrivés les premiers à la gare de minibus, nous devons céder nos places à l'avant par deux fois à des "hommes sécurité". Ces hommes, se revandiquant des forces de sécurité du simple fait de la possession d'une mitraillette, transportée dans un sac de sport pour l'un, dans un ancien sac de riz pour l'autre, arborent l'air stupide qui va si bien aux représentants de la force.
"Je me demande si c'est l'uniforme qui donne l'air bête à ces gens là, où s'ils sont recrutés sur photo ?" (David).
Bref, c'est entassés sur les sièges arrières que nous découvrons les paysages verdoyants et agrémentés de reliefs qui séparent les deux villes. Quelle bouffée d'oxygène après 4 mois passés en zone sub-sahélienne! Le Togo est aussi un pays plus riche. Le beau banco est remplacé par le terne mais tellement plus économique ciment pour l'édification des maisons. Les postes TV sont plus nombreux, les routes plus souvent goudronnées.

A Kpalimé, nous mettons nos notes à jour. La peinture blanche et bleue éclatante, le puits qui trône au milieu de la cour, et les tintements de la cloche de la cathédrale, dont nous voyons le clocher depuis nos chaises, donnent à l'hôtel où nous résidons un air d'hacienda sud américaine. 
A la sortie du cybercafé, David fait une rencontre dont l'Afrique est coutumière. C'est fortuitement qu'il fait la connaissance de Noël, un jeune togolais guide pour touristes. Des français croisés à Warango nous avaient parlé de lui! Après une sortie improvisée dans la nuit de Kapalimé, nous convenons de nous retrouver le lendemain.

Nous partons sur les hauteurs entourant la ville et faisons connaissance, grâce à Noël, avec les géants de la forêt togolaise : kapokiers, fromagers, baobabs, yukas. Noël, amoureux de sa forêt, nous initie aussi aux curiosités végétales : fougères "tampon" qui laissent leurs empreintes sur notre peau grâce à une poudre blanche cachée sous leurs feuilles, grandes feuilles vertes et luisantes maculées de flaques de couleurs vives, appelées "palettes de peintres", arbres à caoutchouc, feuilles de henné laissant des marques  d'un rouge chaud lorsque nous les frottons. Un ancien hôpital, construit par les allemands, essaie de conserver une part de dignité dans sa décrépitude, au milieu de la forêt.

Le lendemain, nous effectuons seuls et sans équipe d'assistance l'ascension du point culminant du Togo : le mont Agou et son sommet pointant fièrement 986 mètres au dessus du niveau de la mer. Plutôt que la route goudronnée, des "raccourcis" nous promènent à travers la forêt par des sentiers. On traverse de jolis villages étagés qui s'offrent même le luxe de petites places d'agrément ombragées, au sol en terre battue très lisse et impécable. La chaleur du milieu d'après-midi n'empèche pas un groupe de jeunes hommes et femmes de se déhancher furieusement sur les rythmes de musiques lassives et énérgiques que crachottent de grandes baffles posées à flanc de coline dans une cour entourée de toits rouillés. En contre-bas de la piste de dance s'étale un panorama splendide sur la vallée.

Chaque soir nous nous restaurons à la cafétéria Bel-Air, souvent accompagnés de Noël. Un comptoire circulaire protège quelques tables de la circulation pour mieux nous exposer aux attaques assourdissantes des décibelles qu'expulsent, là encore, les imposantes baffles d'un magasin de musique. La bonne ambiance et l'animation de la rue, où de nombreux clients viennent chercher à manger auprès de "mamas" affairées derrière leurs petites guitounes, compensent largement l'inconvénient de cette sonorisation sauvage qui interdit toute conversation.

1 avril 2009

LE PAYS TAMBERMA - Warengo et les maisons tata - TOGO : du 5 au 8 mars 2009

Le pays Tamberma s’étend, paisible, au nord du Togo. Au milieu d’une brousse où dominent deux couleurs - le vert de la végétation et l’ocre de la terre - surgissent de surprenantes constructions. Ce sont les " tatas ". Habitations traditionnelles des Tamberma, qui concentrent la séculaire et paisible façon de vivre de ce peuple animiste, ainsi que leur vision du monde unique. Ces maisons, dont la technique de construction a traversé les générations, symbolisent pour eux, non seulement toutes les parties du corps humain, mais aussi le monde et sa création.

C'est pour visiter ce pays que nous faisons signe au chauffeur du bus direct Ouagadougou-Lomé, confortable et climatisé, de nous déposer à Kanté dans le nord du Togo. Le matin, nous prenons notre petit déjeuner dans une cahute de bois tenue par un Burkinabé tout en cherchant des infos utiles pour nous rendre à Nadoba, ville située à proximité des villages Tambermas, difficilement accessible en dehors des jours de marché, ce qui est le cas. C'est alors que nous apercevons un blanc d'un certain âge en salopette bleue et t-shirt jaune vif qui traverse la route, et plus loin son ami Philippe en train de bricoler sa voiture. On ne peut pas laisser passer une occasion pareille. C'est au tour de Gaëlle de s'y coller et d'user de son plus beau sourire. Elle s'approche et découvre alors le bonhomme qui relève la tête de son capot, une cigarette roulée aux coins des lèvres et une casquette couvrant son crâne presque chauve. Son jean retroussé et sa chemise kaki finissent de lui donner un air d'aventurier moderne. Il se méfie des touristes appareil-photo-en-bandoulière et questionne pour savoir à qui il a affaire avant de nous proposer, avec l'aval de son ami Frédérique, un Tamberma de Warengo, de nous accueillir au coeur même du pays Tamberma et de loger sur le toît d'une tata - proposition qu'il qualifie et qui s'avérera "d'extraordinaire".


Sur la route, Philippe nous raconte le projet qu'il mène en collaboration avec Frédérique et qui a conduit à la construction d'une école en banco dans un premier temps puis en dur grâce à un fond européen. Tombé amoureux de cette région lors d'une première visite il y a 8 ans, il  y revient 1 à 2 fois par an et tente de sensibiliser les chefs de clan et personnel de l'école à des projets lucratifs pour l'entretien et le développement de celle-ci. Initiative difficile et plutôt décourageante d'après les derniers résultats et le point mort général de tout développement des idées lancées comme la création d'un terrain de culture au sein de l'école dont les bénéfices serviraient à son maintien. Lors de notre départ, il nous avouera aussi avoir testé et s'être servit de l'occasion pour prouver le bien-fondé de la création d'une tata d'accueil pour les touristes de passage dont une partie des revenus serait reversée à l'école - tout comme ce sera le cas pour notre participation.

La piste s'enfonce en pays Tamberma qui offre enfin un peu de relief avec un petit mont allongé au sommet duquel se découpe la silhouette hérissée des arbres. Deux grands singes traversent la route en de longues enjambées. La première vue d'une tata nous émerveille et nous étonne par son architecture bien spécifique (sorte de petits fortins aux lignes légèrement ventrues et arrondies, coiffés de tourelles coniques recouvertes de chaume, qui servent de greniers à céréales ou parfois de chambres). L'habitat tamberma est dispersé dans la brousse, ce qui rend difficilement perceptible les contours de tel ou tel village.
La piste mène jusqu'à la maison du chef de clan. Nous faisons le reste à pied jusqu'à la maison de Delphine, la soeur de Frédérique. Plus loin se trouvent la tata des parents de Frédérique, la sienne et celle qu'il se fait construire. Autour, des champs de mil. Le calme mais aussi une chaleur lourde nous enveloppe. Heureusement, à chaque tata son baobab et son manguier, l'arbre fétiche, sous lequel le repos se fait plus frais et agréable.

Esther, une amie togolaise de Philippe, petite et fine nous accueille avec un sourire enchanteur.

Nous sommes en pleine période de cérémonies d'initiation des jeunes filles qui ont lieu tous les 4 ans. On assiste à une danse qu'elles mènent en rond, coiffées d'un chapeau fait d'une calebasse surmontée de cornes, un sifflet à la bouche et tout type d'apparat qu'elles ont pu trouver comme des shorts de foot, lunettes de soleil et pour le haut, soutient gorges. Les sifflets résonnent, les vieilles femmes chantent et se répondent, les pieds tapent le sol et soulèvent la poussière, la bière de mil se déverse dans les gosiers. L'ambiance est là.

Le soir, Alice nous a préparé un succulent repas: une délicieuse sauce sur du fufu (pâte d'igname) en l'honneur des blancs de l'association "les amis de Warengo" venus échanger sur leur expérience d'aide au développement. La nuit tombée, Frédérique nous montre nos appartements: la terrasse de sa tata sur laquelle nous passons une douce nuit étoilée. L'endroit nous plaît, nous plaisons à nos hôtes et nos hôtes nous plaisent. Il est donc décidé que nous restions encore 2 nuits supplémentaires.

Le soir, alors que la chaleur se fait un peu moins lourde, qu'Alice nous a encore élaboré une super sauce avec de l'igname frit, nous nous engageons dans de longues palabres. Philippe est un peu brut de coffre, il aime parler mais aussi échanger. Malgré certaines idées arrêtées il a un bon fond et sa compagnie est agréable. Frédérique, lui, est plus discret. Alice, elle, est explosive!

Une fête le samedi rassemble des officiels que nous fuyons autant que possible. Nous retournons voir les danseurs en fin d'après-midi alors que les esprits sont déjà bien embrumés par la bière de mil. Gaëlle se fait accaparer par deux petites vieilles qui la font danser puis la mettent au milieu du cercle de danse. Elle s'exécute et lorsque la musique s'arrête à le droit à une véritable ovation, tout comme David 2 jours plus tôt! Cette prestation lui vaudra une demande en mariage de la part d'un chef, vieillissant, mais de belle allure. Hésitation de la belle ...

Nous quittons nos hôtes avec beaucoup d'émotion, d'autant plus que nous sommes surpris de la réaction de tristesse que provoque notre départ - que nous faisons triomphant sur le toit d'un minibus! Cette véritable amitié de rencontre nous surprendra toujours. En cette journée internationale de la femme, c'est donc sous le soleil de 9h et sur le toit du minibus que nous repartons vers Kanté et la suite de nos aventures.

1 avril 2009

PAYS SENOUFO ET LOBI : Du 20 février au 02 mars

Tiémoko, le guide qui nous accueille à Saindoux au cœur du pays Sénoufo, est un des très nombreux burkinabés qui avaient tenté "l'aventure" en Côte d'Ivoire. La Côte d'Ivoire profitait d'une main-d'œuvre agricole bon marché et corvéable à merci composée des migrants des pays limitrophes poussés là par l'absence totale de travail dans leur pays, sur leur bout de terre. Il y à 4 ans, après les évènements ivoiriens - scission  du pays en 2 parties au nord et au sud - les  migrants burkinabés, qui  selon la rumeur soutenaient la rébellion du nord, ont du fuir les plantations ivoiriennes, principalement installées au sud du pays. Tiémoko nous raconte son retour cauchemardesque, dans un convoi pourtant organisé par les autorités burkinabées en accord avec celles de Côte d'Ivoire. Avant de partir, on leur a demandé de jeter leurs papiers burkinabés pour éviter d'être reconnus comme tel. Rançonné à chaque passage de village, Tiémoko y laissera toutes ses économies ivoiriennes. Lors d’un arrêt, 6 passagers Mossis, une ethnie du Burkina Faso, reconnus à cause de leur scarifications particulières, n'ont pas pu repartir avec le convoi. Tiémoko ne sait pas ce qu'ils sont devenus... Le récit de notre hôte est, malgré tout, ponctué de sourires élégants, éclairés par nos lampes torches qui offrent un halo de lumière serré à la petite table du "maquis" où nous nous restaurons, comme quelques hommes qui conversent joyeusement en mangeant leur "riz-sauce".

Fier de la culture préservée et vivante de sa région, le pays Sénoufo, Tiémoko nous guide à travers les majestueux pics entourant Saindoux, entre lesquels les habitants de l'ancien village pouvaient se protéger de leurs ennemis. Depuis, le village est descendu dans la plaine que nous surplombons installés sur les hauteurs des pics. Au milieu de rizières irrigués, nous apercevons de lointaines silhouettes en mouvement, de lourds paquetages en équilibre sur leurs têtes.

35 km plus loin, nous passons 2 nuits à Niansogoni, toujours en pays Sénoufo. Plus que le village troglodyte, nous apprécierons cette halte dans un hameau du village, très dispersé dans la brousse. Le temps d'une courte palabre, nous replongeons dans cette Afrique éternelle, aimée, et rêvée. Entre les cases, dans la douceur du soleil couchant, quelques marmites chauffent, posées entre 3 pierres, les femmes courbées,  un balais de paille à la main, s'activent comme toujours. On entend le bruit du pilon, que des jeunes filles déjà expertes, manipulent avec efficacité pour piler le mil ou le maïs d'un geste vu mille fois depuis notre arrivée en Afrique de l'ouest. Une multitude d'enfants s'égaillent à notre vue, et plus encore lorsque sortent les appareils photos. Tout le monde nous accueille avec chaleur et bienveillance. La nuit approche. Nous rentrons.

A Banfora, nous nous offrons quelques jours de fraîcheur, et louons une mobylette hors d'âge, qui nous conduis fidèlement chaque jour à la cascade de Banfora et ses piscines naturelles. Malgré les bains répétés, la chaleur devient tenace.

De Banfora à Gaoua, nous retrouvons l'inconfort et les incertitudes (arriverons nous ? et si oui, quand ?) propres aux transports en minibus délabrés qui relient les axes secondaires du pays.

"Dans ces minibus bondés et envahis par la poussière rouge de la piste de latérite, je perçois à chaque trajet un sentiment collectif d'être ensemble, dans la même galère. Eprouver ce sentiment de solidarité  justifie à lui seul la réalisation de telles escapades" (David).

De Gaoua, nous partons à Doumbou, petit village Lobi, une nouvelle fois accompagné d'un guide. Chez les Lobis, les gens vivent dans des petits fortins en banco (les sokalas), par famille, sans réelle hiérarchie sociale. Cette organisation sociale est rare dans la région. Avant la colonisation et ses ravages, les sociétés ouest africaines étaient majoritairement organisées autour d'empires, parfois immenses et riches. Ici, l'absence de chef posa des problèmes aux colonisateurs qui n'avaient pas d'interlocuteurs pour aider à la "pacification", comprendre la mise au pas, et à la "mise en valeur" du pays, comprendre son pillage. Les sokalas, ces constructions disséminées dans la brousse, embellissent la campagne de leur silhouettes élégantes et têtues. Elles semblent à la fois de réels refuges face à une nature et un environnement hostiles, et en même temps l'élément constitutif et toujours vivant de la spécificité de la culture et de l'identité Lobi. Après la marche nécessaire pour arriver au village, nous nous reposons au milieu des poules, des pintades, des porcs, et des enfants qui jouent face au sokala familial. La nuit, nous dormons sur le toit plat de l'un de ces petits fortins, nos moustiquaires et les étoiles au dessus de nos têtes. La famille qui nous logea est visiblement très pauvre mais pas misérable.  Les ventres des enfants sont gonflés par la malnutrition, une nourriture non variée : du mil, du mil, et du mil. On se demande si ce village et plus encore ce mode de vie, cette culture, existeront encore dans 20 ans? Il y a une pompe à eau pour le village (très étendu) et pas d'électricité. Les gens vivent uniquement d'une terre peu généreuse, où pointe des tiges de mil grillées par le soleil. Nous sommes en saison sèche. Le paysage devient verdoyant en saison des pluies nous dit-on. De tels changements d'environnements sont difficiles à imaginer pour  nous qui venons d'un pays  au climat tempéré. De toute façon, il est impossible de tirer de cette terre de quoi nourrir tout le monde. Quelles sont les aspirations des habitants? Des parents nous expliquent qu'ils souhaitent à leurs enfants, dans l'ordre décroissant de leurs espérances, un poste dans l'administration (rarissime et seulement envisageable pour le peu d'enfants qui vont à l'école), sinon les plus courageux peuvent tenter "l'aventure" en Côte d'Ivoire, qui continue à attirer, et pour les "moins vaillants" il reste toujours la daba (petite houe rudimentaire à manche court) et le champ familial.

De retour à Bobo Dioulasso, on écrit les premiers e-mail pour organiser notre retour en France. On est loin, pourtant par petites touches, le retour se profile.

Publicité
Publicité
1 avril 2009

BOBO-DIOULASSO - du 10 janvier au 20 février 2009

Le samedi 10 janvier, nous voilà en route pour la ville au doux nom de Bobo Dioulasso au Burkina Faso. Reconnue comme une ville africaine où il fait bon vivre, c'est ici que nous avons décidé de faire notre halte d'un mois et demi. Les motivations sont nombreuses et variées: recharger les batteries après ces 2 mois de vadrouille à travers le Mali et le Niger, vivre le quotidien d'une ville africaine, y trouver des repères, prendre des habitudes, faire de certains visages des visages familiers et surtout, motivation principale de Gaëlle, apprendre les techniques de l'artisanat local.

Mais le 10 au matin, nous ne sommes pas au bout de nos peines. La compagnie de bus Maisadjé semble avoir mis à disposition en exclusivité pour ce trajet qui va jusqu'à Bamako au Mali, son bus le plus défoncé. Installés au fond du bus, nous passons les premières heures à encaisser les nids de poules en faisant des bonds de 20 cm de haut. Le chauffeur décide enfin de faire une halte pour, attention, "ressouder" quelque chose quelque part au niveau des amortisseurs! Petite opération qui durera 4h et que nous renouvellerons plus tard dans la soirée. Une fois un côté achevé, c'est l'autre qui se casse la gueule. A bout de force et de solution, le chauffeur annonce aux passagers que la nuitée se passera dans le bus à l'arrêt, on verra demain. In challah! Au petit matin, dépités, nous sommes contrains d'abandonner l'équipage pour prendre un autre bus pour faire les quelques 150 km qui nous séparent de Bobo Dioulasso, bientôt rejoints par d'autres passagers en colère. Nous atteignons Bobo, épuisés après un trajet de 19h qui n'en nécessitait que 8, bienheureux de laisser de côté et pour un long moment les transports en commun.

Un tour des hébergements de la ville proposés par nos guides nous convainc de prendre une chambre à Villabobo, adresse de chambres d'hôtes obtenue par un couple rencontré plus tôt à Bamako. Effectivement l'endroit fonctionne au bouche à oreilles, le portail de la villa ne présente aucun écriteaux, tranquillité assurée. Babil, 25 ans, les yeux en amendes qu'il a hérité de sa mère tunisienne nous ouvre les portes avant le retour de France de Xavier le soir-même. Celui-ci, la quarantaine, a le visage du bon-vivant, le regard éclairé par deux petites billes bleues. Grande gueule qu'il assume, il semble avoir vécu plusieurs vies dont celle de cuisinier que nous aurons l'occasion d'apprécier en sauces aigres-douces et plats aromatisés aux huiles essentielles.

Le loyer négocié et les conditions d'accès à la cuisine posées, nous déballons nos affaires que nous nous faisons un plaisir de ranger et d'ordonner dans de véritables placards. La chambre propre et agréablement meublée accueille un vaste lit coiffé d'une moustiquaire. Attenante à la chambre se trouve la salle de bain "à l'européenne" partagée. La villa, de forme rectangulaire, est partagée en un immense salon-salle-à-manger, une grande cuisine, 3 chambres pour les hôtes, 2 salles de bains et les "appartements" de Babil et Xavier.
Une grande véranda fermée par une moustiquaire s'ouvre sur un petit jardin vert et fleurie qui abrite un kiosque au toit de paille traditionnel et une piscine en fond  de mosaïque de petits carreaux bleus dégradés. C'est aussi le terrain de jeux de Mao et Trou duc, la petite chatte chétive au cou dégarni par le second, un jeune chien à poils roux qui s'amuse à traîner sa compagne de jeux par la tête.

Bref, l'endroit est propice au repos et nous passons les deux premières semaines à remplir notre premier objectif: recharger les batteries à coup de 10/12h de sommeil par nuit.

Le temps fil, entre baignade, lecture, scrabble avec Angeline, la dame de la n°3, les courses au petit marché Saint Etienne chez nos 4 maraîchères préférées et l'achat de 2 magnifiques vélos de ville bleus dits "ordinaires", Made In India, tous neufs mais aux roues voilées et freins un peu défectueux.

LE STAGE DE BRONZE : 9 jours

La troisième semaine, Lasso nous accueille dans son atelier familial de sculpteurs bronziers et nous remet entre les mains de de son frère Ibrahim pour notre stage de bronze selon la méthode de la cire perdue. 

Tous les matins, nous enfourchons nos bicyclettes et prenons à gauche sur le "6 mètres" (bande de latérite perpendiculaire à la route goudronnée), traversons un premier "goudron" (route goudronnée), un deuxième, puis empruntons la 3ème vers la gauche en direction du centre ville. La route est bordée de petits commerces, cabanons aux toits de taule et aux marchandises colorées débordantes, de meubles alignés à côté de l'atelier de menuiserie, de petits maquis et buvettes quasi-inexistants au Mali et au Niger, l'Islam y étant plus présent. Chacun s'affaire, des femmes en file indienne se suivent, le port haletiez, la tête chargée de gros sacs de riz en équilibre parfait, des écoliers en uniforme beige se pressent. Sur la route, beaucoup de cyclistes, un jeune homme s'acharne sur un âne qui traîne une charrette, des femmes, boubou au vent et bébé dans le dos ou devant en appui sur le guidon, se croisent. Sur les trottoirs, un défilé de couleurs chatoyantes sur fond de terre rouge: petits vendeurs de beignets, patates douces, arachides... L'atelier se trouve un peu avant la Mairie et le Grand Marché bordé de parkings à deux roues où débordent motos et vélos. L'endroit est quadrillé de petits commerces en tous genres. La musique accompagne la foule qui tente de se frayer un passage.

090315_Burkina_et_Togo_1090

Ibrahim est un homme de petite taille. Il ne se sépare jamais de l'allumette qu'il tient au coin de ses lèvres surmontées d'une fine moustache et encadrées de deux petits renflements des joues provoqués par la chique qui lui déforme le visage et lui noirci les dents.  Peu pédagogue mais patient, il supporte notre insistance à vouloir absolument tout faire tous seuls et le perfectionnisme, parfois exaspérant, de Gaëlle.

Le principe de la cire perdue est ingénieux et se déroule en plusieurs étapes:

1/ RÉALISATION DES PIÈCES EN CIRE D'ABEILLE: jours 1 à 3

090315_Burkina_et_Togo_955

La première étape consiste à modeler notre pièce avec la cire d'abeille, qui, approchée de la chaleur d'un petit foyer se ramollie et se travaille comme de la pâte à modeler. Nous prenons tellement de plaisir à sculpter la matière et à faire parler notre imagination que nous enchaînons pièce après pièce jusqu'à épuisement de la cire au 3ème jour! A la fin de cette étape, Ibrahim pose lui-même les "tiges à couler" en cire sur nos pièces, opération délicate, car elles serviront à la bonne évacuation de la cire fondue et de l'air au moment de la cuisson du moule.

2/ RÉALISATION DU MOULE: jours 4 et 5

090315_Burkina_et_Togo_1009La seconde étape du moulage est tout aussi intéressante.
La préparation de l'argile qui sert à la réalisation du moule est sportive: il faut tout d'abord broyer la toile de jute dans un mortier à grands coups de hache africaine. Celle-ci est ensuite mélangée à du sable (le notre étant, pour la petite histoire, aromatisée à l'urine!) et l'argile sec récupérée dans le lit de la petite rivières presque asséchée qui traverse la ville. Le tout est malaxé avec de l'eau puis homogénéisé à coups de masse! Un processus long et physique!

Libérés du souci de créativité, notre esprit se concentre sur la technique en prenant bien soin d'appliquer la première couche fine du mélange argileux de façon à ce qu'elle pénètre bien dans tous les recoins afin de reproduire la pièce en cire dans les moindres détails. L'instant est émouvant, nous voyons notre pièce disparaître petit à petit sous nos yeux. 090315_Burkina_et_Togo_1020

Une fois la première couche du moule sèche, on passe à la deuxième, plus épaisse et régulière avec une pâte d'argile contenant plus de toile de jute pour la résistance lors de la coulée.

090315_Burkina_et_Togo_1022

090315_Burkina_et_Togo_1039


3/ LA COULÉE: jour 6

Au 6ème jour arrive enfin le moment tant attendu de la coulée. Les moules sont d'abord chauffés pour faire fondre la cire qui est alors récupérée (rien ne se perd!) puis ils sont installés dans le feu recouvert de charbon pour les cuire et les monter en température pour éviter le choc des température, lors de la coulée, entre le moule et le bronze liquéfié. 

090315_Burkina_et_Togo_1065

Pendant ce temps, le four est allumé : un trou creusé dans la terre légèrement recouvert d'une paroi en terre en forme de demi igloo et dont le fond est alimenté en air par un conduit creusé à l'horizontal et à travers lequel souffle un petit ventilateur branché là pour l'occasion et que l'on devine anciennement actionné par un système de pédales.

090315_Burkina_et_Togo_1081090315_Burkina_et_Togo_1077

Le bronze, à ce moment précis n'est qu'un amas de ferraille récupérée chez le ferrailleur: robinets, vieux bracelets, plaques d'étain, une pièce de monnaie française de 1940... Tout ceci est installé dans le creusé qui lui-même est disposé au fond du four dont la température doit monter, nous dit-on, jusqu'à 1200 °C.

Tous les gens de l'atelier sont présents : il y a les 3 jeunes (Karim, Boubakar et "Le vieux"), les plus âgés (Kadafi, Balagui, Lasso et Kossi), mais aussi Xavier et ses 2 amis Bertrand et Kevin.
Pour cette étape, nous sommes obligés de laisser faire les "pros". Kadafi s'occupe de la coulée, faisant des allers-retours entre le creusé et les moules, chauds, installés droits, légèrement enfoncés dans les graviers. Ibrahim, lui, est à la "récupération", prêt à ressouder un moule éclaté. Les jeunes, eux, disposent, tiennent les moules, les réchauffent... C'est l'effervescence, il faut aller vite et faire bien d'autant qu'il y a des spectateurs car tout se déroule dans la rue, devant l'atelier.

Une demie heure plus tard, on refroidi les moules à l'eau froide. Angoisse et excitation se mélangent. A coups de marteau, on brise les moules: tout est bien sorti, soupir de soulagement!

4/ LE LIMAGE ET LE PONÇAGE: jours 7 et 8

Nous quittons la petite table de bois installée sous le préau devant la boutique de l'atelier sur laquelle nous avons passé la semaine à malaxer et mouler pour prendre place de l'autre côté du petit muret, sous le toit de taule, où sont entassés les vieux moules en attente de moyens financiers pour pouvoir les couler. A côté , la table des jeunes qui travaillent en silence, souvent interrompus pour rendre service à un aîné : chercher de l'eau, à manger, acheter ceci, cela... être petit "frère" en Afrique c'est obéir à son aîné sans broncher jusqu'à trouver plus jeune pour se faire remplacer.

IMG_9762

C'est donc ici que nous procédons à la longue et fastidieuse tâche du limage de nos pièces; d'autant plus longue et épuisante que le matériel est sommaire et que la chaleur se fait de plus en plus intense.

5/ LA PATINE:

Enfin, ultime étape, celle de la patine (pour donner aux pièces un aspect ancien). Ici, faute de moyen on patine à la fumée, donc uniquement en noir, en recouvrant les pièces limées et polies de cartons que l'on brûle jusqu'à ce que les pièces soient complètement noircies. Ensuite on ponce les parties que l'on souhaite faire briller.

Au terme de cette étape, nous remercions chaleureusement Ibrahim, professeur bougon, qui s'est donné tant de mal pour nous satisfaire.

IMG_9803

IMG_9834

Après quelques jours de repos, nous reprenons chacun une activité: Gaëlle un stage de Batik (teintures sur tissu réalisées à partir de dessins à la cire) et David un stage de Bogolan (peinture sur tissu à base de pigments naturels).

"Parfait Koné, Burkinabé élancé de 37 ans, est mon professeur de Batik pour 3 jours 1/2. Je l'ai rencontré par l'intermédiaire de l'atelier de bronze. Il est un peu réservé, attentif et présent juste ce qu'il faut. Le matin, je file à vélo  chez lui, dans le quartier de Sarfalao, une petite pièce autour d'une cour de concession familiale. Ni femme, ni enfants : il ne veut pas s'embêter avec ça. La radio RFI accompagne ma créativité matinale, puis quand il en a marre d'entendre parler de Sarko et Obama, on passe au CD de Ragga ou Reggae...J'avais prévu des 1/2 journées mais je ne résiste pas et je fais de bonnes journées complètes, le nez dans la cire, incapable de m'arrêter. Un bonheur!" (Gaëlle)

"Même si je l'avais déjà ressenti, j'ai eu comme une révélation à Bobo: l'Afrique est l'école de la bonne humeur et de l'art de la palabre. En prenant les événements et en abordant les gens avec ces armes nécessaires et presque infaillibles tout devient plus facile et agréable. On accèpte alors mieux le déroulement des événements pas toujours prévisibles et souvent plein de surprises; qu'elles soient bonnes ou mauvaises!" (Gaëlle)

Quitter Bobo n'est pas facile. On y a pris des habitudes, fait quelques rencontres, et penser aux transports en commun nous fatigue d'avance! Mais après 6 semaines, un peu encroutés certes, nous sommes fin prêts à avaler encore quelques km, et autant de pousisère, à saliver devant les paysages qui vont défiler sous nos yeux, savourer nos dernières rencontres, provoquer nos dernières aventures, dévorer notre liberté et déguster cette réaction quasi-hystérique que provoque la vue de nos peaux blanches sur les enfants dont les yeux s'équarquillent et un sourire blanc vient fendre leur visage ébène; le tout accompagné du chant répétitif "toubabou! toubabou!" ("le blanc! le blanc!").

9 mars 2009

NIGER : Du 13 décembre 2008 au 8 janvier 2009 (par notre envoyée spéciale Renée Mainhagu)

David et Gaëlle m’avaient  chargée de préparer un programme pour le Niger.
Je propose le désert du Tal à 1600 km de Niamey, 5 jours pour y aller parait-il par des routes impossibles. Les rares contacts que j’avais eu sur le Niger m’avait signalé ce désert a défaut de pouvoir nous rendre au  désert du Ténéré  aux portes d’Agadez inapprochable en raison de la rébellion du MNJ contre le pouvoir central.

  • « Mais qu’est ce qui vous pousse à aller vous perdre a N’Guigmi !! ville aux portes du Désert du Tal » (contact de l’ ONG http://www.ventsdusud.org/
  • « Le Désert du Tal ? Connais pas !!! Mais voici des contacts pour aller jusqu'à N’guigmi. » (contact des Scouts du Niger  http://scout-niger.org)

Le passé Scout de David fera des merveilles, tout au long de la route nous menant à N’Guigmi, d’étape en étape, quelqu’un nous attendra à l’arrivée du Bus, nous procurera un hébergement dans « les cases de passage » destinées aux expatriées d’ONG en balade ou en mission, et nous remettra dans le Bus suivant.


Le projet est de nous rendre en Bus jusqu’à N’Guigmi, puis à dos de Chameau au Désert, de bivouaquer pendant quatre jours. Nous y ajouterons deux jours sur le Niger en Pirogue et une petite balade dans la brousse pour dire bonjour aux girafes.

Le 18 décembre au soir arrivé à Niamey à deux heures du matin. Apres la flamboyance des rives illuminées  de Tripoli, Niamey est éclairée des rangées de néons blanc qui livrent une pale lumière blafarde. L’aéroport est encore plus sommaire que celui de Tripoli, de nombreux « officiels » déambulent dans d’immenses salles a moitié vides et les parents et amis attendent dehors dans l’air tiède de cette nuit d’hiver Nigérienne. Je suis escortée par un jeune  porteur sympathique qui s’est imposé d’autorité pour récupérer mon sac de voyage. Je lui donne 5 euros de pourboire sous l’œil réprobateur de David, c’est une fortune 7000 CFA ! David et Gaëlle m’ont attendu patiemment avec le chauffeur de l’Auberge Tatayi depuis 20h, l’avion avait 5 heures de retard. Bienvenu en Afrique !!!

Nous restons quelques jours à Niamey, pour mettre au point notre expédition. A l’Auberge, nous rencontrons de nombreux Français.
Il y a Flo et Anna deux jeunes rasta en immersion dans les sociétés africaines pour le compte d’une ONG. Et aussi un  Allemand Olaf, jeune homme au Niger après une traversée du  Sahara Algérien et venu rencontrer sa filleule dont il finance la scolarité Il y a la Suissesse et son amour difficile  à distance avec un Targui d’Agadez à qui elle donne de l’argent pour qu’il ne soit pas gêné quand il faut  payer. Ils dorment à l’Auberge en dortoir. Il y a Michel,  qui revient régulièrement au Niger depuis 12 ans, il connaît beaucoup de monde et nous mettra en contact avec Ibrahim pour le voyage jusqu'à Zinder et avec  un copain qui nous accompagnera dans la recherche d’un hébergement. Il y a Dany la bavarde à la retraite, veuve depuis peu et qui poursuit l’œuvre entamée avec son mari, une fondation qui recueille les enfants des  rues et finance leur scolarité.

Sortie du havre de l’Auberge, le premier  contact avec Niamey est  assez  rude: Rues défoncées, poussiéreuses, sales, vendeurs de rue qui sollicitent, baraques de bric et de broc ou on peut trouver pelle mêle  de la nourriture, des chaussures, des bouilloires bariolées en plastique, des téléphones portables, des cigarettes… Les taxis  klaxonnent pour se frayer un passage, les mendiants sollicitent, quelques femmes voilées et beaucoup d’autres magnifiquement habillées.
Au  Petit Marché des déchets les plus variés jonchent le sol, un puisard à l’angle de deux rues regorge d’un liquide verdâtre ou nagent des détritus. Le passage dans le coin de la viande est édifiant, les mouches côtoient les morceaux sanguinolents dont les liquides s’écoulent dans une rigole centrale. Mais aussi les pommes de terre, les tomates, les piments les salades sont harmonieusement rangées dans de grands paniers. Ici beaucoup de femmes très pauvres sont habillées de haillons, certaines vendent quelques légumes, les enfants mendiants en groupe tendent le bol attaché au poignet. Les homme cachent peut être leur dénuement sous leur ample djellaba. La rue leur appartient, y compris pour la prière qu’ils pratiquent en rang serrés dans un recoin de rue sur leur tapis a l’heure convenue ou sous des abris de fortune semblant de mosquée.

David et Gaëlle marchandent tout, c’est particulièrement épuisant, mais c’est la coutume, il faut commencer par diviser le prix proposé par deux et ensuite on peut augmenter.

Au troisième jour,  moins choquée ou plus habituée je commence à voir les gens et les scènes de façon plus sereine. Je vois  les jeunes ravis de nous donner un renseignement, des enfants s’amusant devant notre appareil photo et  riant de bonheur de se voir sur l’écran, des hommes, des femmes, prêts a nous aider et à nous conseiller.
Au Grand Marché, imposant, plus affairé que le Petit Marché, plus riche, nous allons d’allée des tissus, a  l’allée des  couturiers, des bijoutiers, des épices et des teintures.

Notre dernier jour à Niamey est consacré aux repérages : Visite à la Maison des Scouts où nous rencontrons Omar Yazi, Salha et Mariama avec une promesse d’hébergement dans la case de passage à notre retour du désert.
Enfin avant de quitter Niamey pour notre expédition  nous cédons à la tradition, et prenons un bain d’Europe et de confort, au Grand Hôtel. Une bière, des brochettes de viande face au fleuve, au coucher du soleil,  je me sens vraiment au Niger ! Il fait nuit, les hommes se promènent, les boutiques sont encore allumées, une TV devant une boutique de cybercafé sur un tabouret diffuse TV5, l’air est frais. Il faut faire un effort pour imaginer que nous sommes fin décembre. 21 décembre dimanche.

Nous quittons Niamey au petit matin avec Ibrahim, rédacteur en chef d’un petit journal privé, (Aïr Info Journal http://www.agadez.org) Il rentre chez lui à Agadez - Touareg, résistant militant contre les dégâts qu’occasionnent l’exploitation de l’Uranium par Areva il a  fait 4 mois de prison, libéré sans jugement,.

900 km  pour atteindre Zinder, 16 heures de voyage y compris des arrêts pour manger et réparer une roue crevée. Une seule route goudronnée traverse le pays d’Ouest en Est, Terminus de la National1 à N’Guigmi.
Nous traversons quelques villes plus importantes mais se sont surtout les villages qui se succèdent tous les 20 ou 50 km. Les routes sableuses de part et d’autre de la Nationale donnent la direction d’autres villages disséminés dans la brousse. Nous aurons la représentation de l’importance de ces populations dans les grands marchés installés sur le bord du «goudron» que ce dimanche nous traversons.
L’entrée et la sortie des agglomérations les plus importantes sont barrées d’une corde attachée de façon sommaire à deux piquets, la police et le péage s’y côtoient. Les entrés des petits villages sont, eux, protégés par des monticules de terre qui obligent à ralentir.
Sur la route nous doublons ou croisons aussi bien des voitures sans feu arrière, des camions borgnes ou des vélos sans signalisation mais aussi des gens à pied sur le bas coté qui doivent parcourir  des kilomètres mais dont nous ne voyons pas les villages, particulièrement dangereux la nuit,  plus nous allons vers l’Est, plus tôt arrive la nuit.

La Nationale1 donne accès aux grandes villes du Sud Zinder (200.000 h), Maradi (180.000h) et permet les échanges avec le Nigeria, le Cameroun, le Tchad.

La terre est sèche et craquelée la moindre parcelle de terre est porteuse des pieds de mil secs. Les acacias sont les seuls arbres qui peuvent pousser en puisant l’eau dans la nappe phréatique. Les greniers à grain annoncent les villages.
Nous filons à 140 km/h quand la route est goudronnée et en bon  état. C’est le cas de la sortie de Niamey – 200 km - entrée de Zinder -100 km-, Nous roulons a 20km/h si elle est  défoncée ou bien quand des tronçons sont en réfection. Nous empruntons alors une piste  dans le sable. Dans tous les cas c’est éprouvant.

Nous décidons de passer une journée à Zinder. Nous approfondissons notre amitié avec Ibrahim, visitons le siège de son journal, le Damagaran. C’est une ville où je me trouve bien, moins agitée que la capitale, peu de mendiants, pas de Blancs, peu ou pas d’ordure dans les rues, des infrastructures apparemment en bon état, des petits restaurants agréables bien que nous mangions dans une salle à la lumière tamisée pour éviter aux hommes d’être reconnus avec leur convive, d’innombrables taxis motos qui pétaradent joyeusement avec leurs femmes à califourchon, jupes relevées. Il n’y pas de taxi voiture à Zinder.
Nous rencontrons Eric marié à  Halima, belle et mince Nigérienne. Ils nous recommandent un guide, Issa. Et ils nous conseillent de faire attention aux charlatans qui peuvent nous promener dans de faux désert !!!
Au retour de N’Guigmi nous visiterons le Palais du Sultan, et admirerons les belles peintures murales des maisons de la vieille ville dans les ruelles du quartier de Birni, apercevant les cours intérieures où les femmes vaquent aux taches ménagères, les hommes  eux, attendent l’heure du repas assis prés d’une épicerie qui vend bière et Fanta.


23 décembre  Mardi

Départ en bus pour Diffa (30.000h) à 500km de Zinder. 6 heures de route. Initialement prévu à 5 heures du matin, nous démarrons à 14h45, le bus primitivement prévu n’a pas pu démarrer il a donc fallu attendre celui qui arrive de Diffa.
Il y a avantage à voyager en bus: haut sur roues, ils défient les nids d’autruche de la route et ne s’arrête que dans les grandes agglomérations pour charger des voyageurs; Au contraire du minibus que nous prendrons au retour qui mettra 13 heures pour le même trajet, s’arrêtant pour la prière, pour charger des voyageurs et en descendre dans villages et villes, pour réparer un pneu crevé, pour acheter à manger, du bois et qui ralentit à chaque nid de poule ou d’autruche...

Diffa « cette bourgade n’a d’intérêt que …. » Dit le guide touristique. Effectivement accueilli chaleureusement par Iddi Issaka un de nos contacts, désolé de ne nous proposer  que le seul hôtel  de passe de la ville, crasseux et désert.

24 décembre Mercredi

Arrivés la veille à 20 heures, nous repartons le lendemain matin à midi, en attente depuis 9 heures du matin au parking des  minibus  pour qu’il  se remplisse de ses 14 passagers.
Amusant nous paierons une partie du billet de voyage de deux gamines, qui feront des caprices pour être assises à la meilleure place, ce qui me permet du haut de ma place de « Maman » de les morigéner.
L’approche de N’guigmi (140km en 4 h) se fait sur une piste sur les dunes avec parfois une vision fugitive des lambeaux de goudrons. La végétation se raréfie la terre est remplacée par le sable, où ne pousse  ni mil, ni légumes. Plus aucun village n’est traversé, des paillotes, habitat en paille,  sur les bords abritent des bergers, des enfants conduisent de petits troupeaux de chèvres, des chameaux paissent en liberté.
Au point de contrôle nous apprenons qu’il nous faut  un accord de la police pour être autorisés à séjourner dans la région.
Il est 5 heures de l’après midi le soleil décline déjà, la nuit n’est pas loin. La ville, le sable, les maisons carrés en banco, les ânes, les chameaux, le ciel, la poussière tout semble noyé dans un bain de couleur ocre marron beige. Mystérieusement peu d’enfants dans les rues, pas de mendiants, pas de voitures, seuls les taxis brousse, un bus à l’arrêt depuis des mois. Un camion, dont les roues sont plus hautes que Gaëlle, va traverser le désert avec ses 10 roues motrices pour atteindre Agadem  lieu de la future extraction de pétrole concédé aux Chinois.

Le calme, le silence troublé par les croassements des pies, par un avion qui traverse haut dans le ciel. Bachir nous accueille et nous sert de Guide, il occupe la fonction de Directeur de la Jeunesse et de la formation à N’Guigmi. Il nous dira plus tard : « Pour nous l’Etranger, c’est comme la rosée, qui au matin sera partie, à un moment donné il nous quitte, c’est important qu’il soit content, pour qu’il revienne… »

Sitôt arrivés avant même de nous installer, nous allons présenter nos salutations à Monsieur le Maire au bar des officiers et cadres de N’Guigmi avec la compagnie des officiers de police et militaires.
Nous apprenons à prendre notre temps, le service est lent les conversations aussi. Peut être et sûrement lui aussi se demande ce que viennent faire dans ce trou perdu « un jeune couple et la Maman »  Nous prenons une bière, nigérienne. Il attend que nous parlions. Il semble apprécier notre projet, il fait la remarque que nous sommes bien organisés, d’un sourire il salue notre souhait de nous rendre à dos de chameau et bivouaquer dans le désert. Il est rassuré quand nous lui disons que nous comptons nous faire guider par Issa recommandé par Eric qu’il connaît, puisqu’il a épousé sa nièce. Il manifeste sa joie à l’évocation de notre souhait de rencontrer les petites sœurs de Ch. de Foucauld.
C’est « Maman» qui mène la discution, mon âge prend ici toute son importance ! Il nous parle de garder le contact et s’engage dans l’idée d’un jumelage de ville à ville et nous invite  à occuper la case de passage des ONG. Belle maison qui loge plus souvent les araignées que les «expats». Elle est située au bout de la ville, dans la partie des bâtiments administratifs l’Hôpital, le collège, la préfecture, et le centre météo.

Rencontre avec Issa, sec, nerveux, mystérieux, ne parlant pas Français mais comprenant suffisamment pour suivre les conversations. Il veut bien nous conduire dans le désert, mais au fur et à mesure des négociations, nous comprenons qu’il demande un cuisinier et un traducteur en supplément. David mène les négociations, Gaëlle contrôle.

C’est Bachir qui nous donne les clés pour comprendre. Issa de l’ethnie Béribéri, grand seigneur du désert, éleveur et guide nous donne la possibilité d’aller dans le désert, son désert mais il n’entend pas nous servir de cuisinier. Le compromis est trouvé par Bachir, il se propose comme cuisinier et comme traducteur. Nous sommes comblés car nous commençons à nous  sentir beaucoup d’affinités avec lui.

Il y aura trois chameaux et un cheval. Bachir prêtera le matériel de cuisine, marmites et gamelles, Issa la théière, le bois est à profusion dans le désert. Nous avons nos tentes pour dormir, eux auront couvertures et bâche. Nous achetons toute la nourriture au marché avec Bachir, sa femme fera cuire les œufs, le départ est prévu pour le 25 décembre au matin.

Le soir du 24 décembre nous fêtons Noël, entre nous avec Fois Gras, Chartreuse, Armagnac, bûche de Noël confectionnée avec un pain et du Nutéla. Nous chantons Noël et pensons à nos familles restées dans le froid Européen que nous pouvons voir à la TV5Afrique.
Nous ne pouvons communiquer avec elles, nous n’avons pas pris le bon opérateur pour le Téléphone portable.
25° c’est la température à N’Guigmi le jour, la Nuit  entre 9 et 15°.

Le 25 décembre  départ au Désert du Tal.

Situé au Nord Ouest de N’guigmi, il est divisé en Petit Tal et Grand Tal. Aucune carte ne porte d’indication de lieu de ce désert.
Le désert du Tal n’est pas comparable aux grands Déserts Sahariens. Il n’a pas leur majesté, le mystère, le silence de ces déserts immenses ou s’y enfoncer crée la solitude et s’y perdre le danger. Il est situé à 16 km de la ville, 3 heures à dos de chameau. Entouré au Sud par la brousse, au Nord et à l’Est  il rejoint les grands étendues désertiques du Niger. Plus au Sud c’est le lac Tchad à moitié asséché qui fait la frontière avec le Nigeria.

Dans la ville et aux alentours immédiats nous traversons des espaces ou les arbres sont hauts, feuillus et d’un vert intense. Issa ouvre la marche à pied,  puis David et ensuite mon chameau attaché à sa selle suit en broutant dès qu’il peut les arbres dont les chameaux  sont friands. Gaëlle monte le petit cheval, il avance moins vite sur le sable choisissant les parties les plus dures où pousse une herbe rase et sèche. Bachir ferme la marche sur son Chameau, vision de Sancho pança et Don Quichotte. 

Au bout d’une heure les arbres feuillus laissent la place à des arbustes de plus en  plus rabougris, tordus  et épineux. Nous croisons des  chèvres isolées qui broutent, des convois de deux ânes lourdement chargés de ballots de foin. Les chameaux lourdement chargés de tout notre barda, avancent lentement, David et Gaëlle tenteront bien  un petit galop avec leur petit cheval, vite arrêté.

A destination du  premier bivouac nous suivons les instructions d’Issa, nous nous installons après qu’il ait débarrassé les chameaux de leur fardeau. Nous n’avons pas suffisamment d’eau, il part donc en chercher au puits, à 20mn à pied avec le petit cheval et deux bidons. Les chameaux sont entravés et divagueront toute la nuit à la recherche de nourriture.  Le cheval lui ne peut pas trouver de nourriture appropriée c’est Issa qui le nourrit avec des graines apportées et du foin qu’il achètera plus tard aux nomades locaux.
Nous avec Bachir  partons dans les dunes, le ciel est bleu les dunes miroitent entre blanc et doré, le soleil décline,  puis disparaît. Le bois ramassé a permis d’allumer le feu, Issa fait le Thé, Bachir cuit les spaghettis, le repas est prêt, et nous restons a rêver autour des braises. La nuit est fraîche.

Ce n’est que le deuxième  matin que nous découvrirons par quel phénomène physique  le sable doré le soir parait blanc le matin. Un vent  permanent souffle et  fait voler une mince couche de  sable, la luminosité doit également y jouer un rôle, ainsi les dunes sont rayées de larges bandes blanches, qui par un effet de mirages, semblent être des sentiers. Le Désert mérite  sont titre de Désert Blanc.

Nous nous réveillons le premier matin avec un chant de coq. Ici le désert est a taille humaine. Un camp de normandes est à 20 mn de marche. Nous recevrons au petit matin la visite du père accompagné de trois enfants, nous faisant remarquer que nous ne sommes pas  venus le saluer  avant d’installer le bivouac. Il prétexte sa visite par un  mal au ventre d’un de ses enfants, la visite ne prendra fin qu’après  un examen sommaire de l’enfant, un placebo et 1000 FCFA.

Chaque matin, Bachir et Issa font la prière Issa prépare le thé, les branches ramassées, le petit déjeuner  en train de se préparer. Au menu, spaghetti ou maca (comprendre macaroni), ou restes de la veille, couscous au lait sucré, et pour nous européens du thé « normal » pain et confiture ! Autre particularité d’Européen, nous buvons l’eau du puits filtrée et stérilisée.

En raison de ma place dans la hiérarchie familiale, je suis toujours dispensée des taches ménagères ou autre, je suis « Maman » avec tous les privilèges de l’ancien. Bachir et Issa me demandent toujours mon avis avant toute décision ménagère ou autre et respectent ma décision. Gaëlle entre l’autorité reconnue à l’Homme et celle reconnue à la Vieille interroge à haute voix sur la place qu'elle peut bien occuper. Bachir repère rapidement que cette question lui est adressée, ce qui entraînera un bel échange sur des points de vues divergents sur le statut des femmes et le rôle de la religion.

Pendant trois jours nous poursuivons notre découverte du Désert. Nous avons fait provision d’eau au puits qui est creusé dans la vaste plaine entourée des dunes. Souvent ce sont les enfants que nous trouvons attelés à cette tache, aidés pour la traction de l’outre par un âne attaché au bout de la corde et invité à tirer fortement par les coups de badine. Nous apprenons que ce sont des arabes nomades qui logent dans les paillotes disséminées dans la brousse environnant du désert,  émigrés ici en raison de leur Histoire, ils  ont conquis de haute lutte en 2005, le droit de vivre avec une Ecole et un Centre de Santé.

Nous faisons connaissance avec l’Instituteur, sa femme et ses trois enfants, en vacances scolaires. Ils ont investi le bâtiment de l’Ecole pendant les vacances, préférant le confort de ce bâtiment à leur paillote situé a proximité. Il nous invitera à  nous réfugier dans le  bâtiment de la Santé, jamais équipé. Issa et Bachir ont eu très froid la nuit passée de plus un vent violent soulève le sable et nous incite à plus de confort.

Nous rentrons à N’Guigmi en fin de matinée

Il nous reste a consolider notre amitié avec tous ceux que nous avons rencontré à N’Guigmi, le Maire et le secrétaire de Mairie qui nous fera visiter le marché aux chameaux, spécialité de N’Guimi. Nous rencontrons enfin  les petites sœurs de Ch. de Foucault. Puis au revoir Issa,  Bachir sa femme et ses enfants !

29 décembre.

Nous n’avons pas oublié  de faire tamponner notre passeport par la police qui nous a autorisé à séjourner dans la ville et  nous quittons N’guigmi au petit matin Le retour sera bien différent de l’aller.

A Diffa nous décidons d’atteindre Zinder  dans la journée,  quelle aventure !!
Nous sommes 23,  hommes femmes et enfant coincés dans le Minibus, pendant les 13 heures du trajet. Nous nous arrêtons sans cesse, soit pour la prière, pour nous alimenter, pour charger des affaires ou une personne,  parce que nous avons un pneu qui a crevé… Je fais le voyage à coté du chauffeur privilège de l’âge, je surveille son état de vigilance au volant, il a un aide, qui lui signalera que la roue a crevé, mais il sera le seul à conduire. De temps en temps il manifeste sa fatigue la tête posée sur le volant, a l’arrêt heureusement, il fait rouler son véhicule le plus souvent à gauche de la chaussée. Enhardie par la crainte de l’accident, je lui demande timidement si c’est l’habitude ici, de rouler à gauche y compris dans les tournants et en haut des cotes et il me répond « Pourquoi pas ?  » !!! Il est vrai que la route entre Diffa et Zinder est assez peu fréquentée.

31 décembre

Une journée de repos à Zinder, ville que j’aime particulièrement puis nous filons vers Niamey à grande vitesse avec le Bus de ligne et un chauffeur particulièrement prudent. Je garde encore dans l’oreille le klaxon à trois notes qu’il utilise sans économie, pour signaler un doublement, son croisement, pour effrayer un chameau ou une chèvre qui traverse la route, ou un enfant.

1er janvier 2009.

A Niamey, les scouts nous hébergent. C’est le quartier des artisans et nous en profiterons pour faire nos achats de Bijoux Touareg, faire coudre un boubou, des chemises et pantalons et acheter  de beaux tissus.

3 janvier Samedi

Grâce aux contacts que nous fournit Karim, notre taxi de référence nous avons organisé notre expédition en Pirogue sur le Fleuve. Nous  rejoignons  Boubon à 25 km de Niamey, village sur le Niger, point de départ. Nous commençons par une panne de voiture sur la route, qui nous permet à Gaëlle et à moi, sous le regard goguenard de David de  faire notre magnifique collection de photos de Minibus chargés jusqu'à la gueule.

Boubon est un village célèbre pour ses poteries, mais point de poterie ce jour là. A notre arrivée nous sommes toutefois assaillis comme les touristes qu’ils ont l’habitude de voir ici. Des hommes des enfants  nous entourent,  heureusement que Karim est là, car je n’arrive pas a savoir qui est qui et ce qu’ils veulent de nous.

David et Gaëlle ne semblent pas surpris ce qui me rassure un peu.

Les femmes tout près de ce qui ressemble à l’embarcadère, lavent vaisselle et linge, se lavent nous sommes bien loin des femmes semi voilée de la capitale.

Toujours escortés par une  dizaine d’hommes, nous débarquons sur l’île de Boubon où nous serons logés dans ce qui fût à ses heures de gloire un club de vacances. Etrange lieu, construit dans les années 70, par deux Belges et transmis à un propriétaire Nigérien. Il n’y a plus d’électricité, ni eau courante dans les cases ni d’ailleurs sur le site, les lieux sont propres contrairement aux autres endroits du Niger ou les poches poubelles volent au vent et restent coincées dans les coins de rue.

David impressionnant de calme et d’assurance négocie le prix de la balade, en concertation muette avec Gaëlle. Nous passerons de 40 000 Fcfa, proposition initiale du piroguier a 25 000 Fcfa, accord conclu avec une poignée de main, sans échange d’argent et un grand sourire.

Les piroguiers Issaka et Seydou issus de la grande famille des Courté  (un ministre dans la famille) nous baladeront sur le Fleuve et en sus nous ferons rencontrer leur famille.

Le gérant lui s’évertue à nous traiter en touristes. Toutefois nous réaliserons qu’une fois le repas expédié à la lueur d’une lampe tempête, nous passerons la nuit seuls sur l’île livrés aux bébés crocodile prisonniers dans l’eau croupie du fond de la piscine.

Notre souhait est de remonter le fleuve, nous nous en félicitons, tant la végétation est plus luxuriante et la faune plus nombreuse dans la partie amont à partir de Boubon (conseil que nous donnons aux futurs voyageurs). Le Fleuve est large et majestueux, sans beaucoup de courant. Nous longeons les berges ou nous traverserons le fleuve pour approcher les hippopotames.
Six heures de navigation à la perche ou à la rame sur les bords couverts de végétation aquatique – fleurs - manguiers géants les pieds dans l’eau a cette saison de hautes eaux - oiseaux– hippopotames – Chevaux et  vaches broutant l’herbe abondante et grasse, l’eau à mis jambe – pirogues, enfants tous cela vit et se promène sur l’eau, les berges  et sur les nombreuses îles. A cette période de l’année le fleuve a atteint son plus haut niveau il ne sera qu’un mince filet aux  mois d’été.

David et Gaëlle s’offriront une petite baignade dans l’eau froide tout de même !

Dans le village d’Issaka entourés d’une nuée d’enfant là nous découvrons les jardins où poussent salades, piments, tomates, oignons aux mains de femmes et des enfants pour l’arrosage et l’entretien. Issaka nous propose à notre prochain séjour de nous héberger dans son village.

Le village de Seydou, une île, est placé sous la protection d’un généreux donateur de Marseille, Raoul,  qui vient les voir deux fois par an conseille et surveille le développement des investissements qu’il fait. Là les enfants sont en classe. Le donateur les approvisionne  en  médicaments et les fournitures de classe, l’institutrice et l’infirmière du centre de santé elles sont rémunérées par l’Etat. Un moulin à grain, un branchement motorisé de l’irrigation des cultures maraîchères, des animaux parqués dans leur enclos, tout dénote une prise en charge effective de la maîtrise de leur développement. Le retour vers Niamey se fera au fil de l’eau lentement. 

A la route nous attendons avec Issaka et Seydou qu’un taxi nous ramène au centre ville, nous leur promettons de les recommander  à nos amis européens qui voudront faire un voyage authentique sur le Fleuve.

Le séjour se termine sur une touche touristique. Nous sacrifions à la tradition et rendons visite aux dernières girafes sauvages d’Afrique à Kouré.

Pour clore ce voyage je ferai trois voeux:

  • Mon premier voeux le plus cher est que les amitiés que nous avons crées avec nos amis nigériens soit  fécondes.
  • Mon deuxième est que le Niger se donne enfin des dirigeants qui sauront utiliser les richesses de ce beau pays avec réellement la démocratie dont ils sont si fiers, pour le bien être et la prospérité de tous ses habitants.
  • Mon troisième voeux sera que les Nigériens sachent garder un équilibre harmonieux entre  tradition et modernité.
17 février 2009

LE PAYS DOGON : Du 9 au 12 décembre 2008

Un 4x4 nous mène jusqu'au village de Bamba accroché à la falaise du pays Dogon. Notre guide se prénomme Salah. Petit homme touareg à la fine moustache et petite barbiche triangulaire sous ses épaisses lèvres d’Africain, il parle un français à sa manière qu’il tient de son apprentissage dans la rue et au contact de ses « grands frères » car lui n’a jamais été à l’école. Il est simple, attentif et prévenant.

La journée, nous marchons de village en village dans un paysage époustouflant dont l’immensité plane et dorée par le soleil est cassée par cette falaise ocre sur laquelle sont accrochés les villages de terre qui se confondent de manière surprenante avec la roche. Les greniers typiques aux toits de paille pointus percent l’ensemble uniforme. Les greniers des femmes, eux, sont de forme circulaire et le toit arrondi en terre. Le Toguna (« case à palabre ») est un abri aux 9 piliers symboliques représentant les 8 ancêtres Dogons et le Dieu unique Amma et recouvert d’un certain nombre de couches de pailles, lui aussi symbolique. Cet endroit sert de case de justice, celui qui entre est obligé de s’abaisser et le plafond bas ferait se cogner quiconque oserait se lever brusquement pris de colère. Une case ronde est réservée aux femmes en période « impure » de menstruation. Le Hogon, doyen et gardien des traditions loge dans une maison qu’il ne quitte jamais car cela provoquerait l’absence de pluie pour l’année à venir. La nuit, il attend que le serpent Lébé vienne le lécher pour le nettoyer. Une tortue ne quitte jamais sa cour et goutte chacun de ses plats. La plupart des Dogons sont encore animistes mais beaucoup se sont convertis à l’Islam. Ceux-ci ne peuvent vivre dans les hauteurs du village, ils sont basés plus bas, loin des fétiches.

Le soir, Salah prend sont rôle de guide très au sérieux et nous parle de l’histoire des Dogons, la symbolique du crocodile, le cousinage entre Dogons et Bozos de façon théâtrale. Son accent et sa façon de parler sont un vrai délice.

Après une escale rapide à Gao, ville aux rues larges, en terre, bordées de maisons de terres toutes identiques les unes aux autres, nous atteignons Niamey au Niger après un passage de frontière étonnamment rapide.

17 février 2009

DE MOPTI A DOUENTZA : Du 4 au 9 décembre 2008

Nous arrivons juste à temps pour embarquer à bord du gros bateau bleu et blanc de la COMANAV qui sillonne le fleuve Niger du Nord au Sud et inversement. Contre toute attente, celui-ci part à l’heure. Nous faisons nos adieux à Mopti, ses égouts à ciel ouvert, ses rabatteurs accrocheurs et son port chaotique et grouillant dont les lumières disparaissent au fur et à mesure que nous nous enfonçons dans la fameuse boucle du Niger.

« Il n’y a pas de petites économies, dormons sur le pont. Deux fois moins cher que la dernière classe, la classe 3 »… La première nuit, alors que nous nous installons tout en haut sur le pont, un vent violent nous gèle les os et traverse la fine couverture dont nous avons fait l’acquisition pour l’occasion ; et la couverture de suivie que nous partageons nous couvre à peine les jambes.  Une nuit difficile qui a raison de la santé de Gaëlle qui commence à se tordre les boyaux au petit matin avant de pouvoir enfin se réchauffer, baignant dans le soleil matinal.  Pour le deuxième soir, changement de programme, Gaëlle s’installe dans une cabine de classe 3 à 8 lits aux côtés de 2 françaises rencontrées plus tôt ; David lui, affrontera le froid en solitaire…Emmitouflé dans sa couverture, celle de survie et une bâche plastique recouvrant le tout, il s’est enturbanné dans son chèche, un masque de nuit achevant de recouvrir la moindre parcelle de son corps ! Mais cela lui vaudra quand même une belle crève les 3 jours suivants. « Il n’y a pas de petites économies qui disaient ! ».

Le paysage qui défile est magnifique. Au petit matin, le bateau slalome à travers des bancs de hautes herbes vertes qui semblent flotter à la surface. Des villages sont installés sur les rives du fleuve qui semble être leur seule voie d’accès, ou en tous cas la plus empruntée. On se demande comment les cases peuvent être si proches de la rive sans se faire inonder en pleine saison des pluies lorsque le niveau de l’eau monte.

Le soir, une escale à Niafounké nous offre un véritable spectacle, une scène de vie débordante. Le bar du bateau a même sorti les enceintes sur le pont pour ajouter à l’agitation ambiante. Les femmes descendent à quai avec leur charge en équilibre sur la tête, elle-même en équilibre sur la planche de bois servant de pont-levis.  D’autres femmes du village sont déjà sur place et un petit marcher s’installe sous nos yeux pendant que passagers quittent le bateau, remplacés par de nouveaux arrivants. Des gamins se trémoussent sur la musique, certains parviennent à bluffer la vigilance et s’offrent une promenade à bord. Puis le petit pont-levis est relevé suite au sourd retentissement de la sirène. Un retardataire, dans une acrobatie spectaculaire, réussi à repasser par-dessus bord de justesse…

Nous arrivons aux abords de Tombouctou vers midi le lendemain après deux nuits à bord.  Alkeidi, un malien de petite taille, un peu grassouillé et qui se donne un air sérieux nous propose de nous héberger chez lui. La proposition est alléchante et nous optons pour visiter les lieux. Il nous conduit en fait chez son cousin Alidji « le long » (le grand) comme ils le qualifient ici. C’est avec un large sourire franc et sincère que celui-ci nous accueille au deuxième étage d’une petite maison en plein centre historique ; l’endroit est calme et agréable, une chambre est mise à notre disposition, l’ambiance est simple et malienne.

Après une douche au sceau qui nous décrasse des 2 jours de bateaux nous sommes fins prêts pour partir à la découverte de Tombouctou la mystérieuse. La ville n’a en fait rien d’exceptionnelle. C’est surtout une ville mythique de la route des caravanes, plantée aux portes du désert et qui a fait coulé beaucoup d’encre surtout à l’époque des explorateurs du 19ème. Nous passons d’ailleurs devant la maison de René Caillé, grand explorateur français qui a rejoint la ville à pied depuis la Guinée.  Les portes de bois sont joliment sculptées et décorées et certaines maisons sont dotées de fenêtres à l’influence marocaine.  Par endroit, des tentes touaregs installées entre les maisons accueillent des familles entières. Ce qui est surtout suprenant c’est de trouver cette ville aux portes du désert dont on devine les dunes à l’horizon. Ici on appelle « désert touristique » celui situé à 2h de chameaux et le « vrai désert », celui situé à 4 ou 5 jours de chameaux…

Chez Alidji, nous faisons la connaissance de Jean-Mar. Ce cinquantenaire français, de petite taille, cheveux blonds et longs, s’est acheté une petite maison à Tombouctou où il vit à la lueur de la bougie avec sa jeune et très jolie compagne camerounaise Adama de 30 ans sa benjamine.  Le soir, Oumar et son neveu sont là. Grand touareg mince et élancé, il flotte dans sa tenue bleue claire. Il vit habituellement dans la brousse dans la région de Gourma mais exceptionnellement à Tombouctou pour vendre ses moutons pour la Tabaski, « la fête du mouton ». Un peu naïf, il nous raconte, poussé par Alidji, comment sa première femme a « mangé sa boutique ». Alors qu’il était déscendu à Bamako 1 500 000 Frcs CFA en poche pour y ouvrir une boutique, il rencontre cette jeune fille de 15 ans « tri tri jouli », elle aussi venue de la brousse pour trouver du travail. Il ouvre sa boutique et la prend comme « bonne » dans un premier temps, avant de l’épouser car elle est vraiment « tri tri jouli ». La gourmande s’habitue à un petit déjeuner quotidien copieux composé de pain, sardine, mayonnaise et le très prisé lait de zébus. Lorsque Oumar lui annonce que les finances étant mauvaises elle devra se contenté à présent d’un Nescafé le matin, la belle ne tient pas deux jours avant de s’évaporer dans la nature avec la boutique et l’argent de la caisse ! Oumar nous raconte cette histoire dans son « petit français » sans quitter son large sourire pendant que l’assemblée que nous sommes se marre. Et une fois de plus d’en conclure :  « ti vois les femmes, c’est boucou de problèmes ! ». On l’aura compris !

C’est en compagnie de cette petite bande que nous fêtons la Tabaski le 8 décembre. Deux petits trous ont été creusés dans la petite ruelle devant la maison pour recevoir le sang des bêtes égorgées. Puis celles-ci sont dépecées sur la terrasse par un « professionnel » engagé pour l’occasion. Pour décoller la peau, il fait une entaille au niveau de l’articulation de la patte arrière par laquelle il souffle pour faire entrer de l’air sous la peau. L’animal se gonfle comme un ballon de baudruche, faisant se redresser les pattes. La bête, gonflée, est alors attachée par les pattes, tête vers le bas. En un tour de main l’animal est déshabillé ; puis l’homme opère et lui ouvre le ventre pour faire sortir les organes un à un. Le foi et le cœur sont tout de suite déposés et grillés sur le petit foyer à thé pour être rapidement picorés sur un plateau avec du sel et du poivre. L’animal est alors découpé : le dos et les gigots. Une partie est envoyée au four chez la voisine est sera servie le soir, l’autre est cuisinée en sauce sur place. C’est à ce moment qu’Adama et Jean-Marc font leur entrée triomphante, vêtus de magnifiques boubous brodés et Gaëlle est prise en main par Adama qui joue les chefs cuisinière. Installés à même le sol, chacun plonge sa main dans les différents plats et se régale sans complexe de lécher ses doigts de délice. Puis le soir même, nous faisons nos adieux à nos amis de rencontre.

Le 4x4 qui nous mène à Douentza vient nous chercher à 3h30 du matin. Le voyage commence bien : le véhicule a un problème de démarreur et il faut pousser pour le démarrer. Deux kms plus loin, il s’embourbe dans le sable… Les deux places en cabines sont occupées par 2 touaregs aisés, les 4 du milieux par des touristes. Nous, nous sommes coincés à l’arrière sur 2 banquettes qui se font face aux côtés de 6 autres passagers (au lieu de 4). Avec l’assistant du chauffeur et les 3 personnes que nous ramassons sur la route et qui font le trajet sur le toit ça fait 17. Pour un 4x4 c’est pas mal !

La route que nous empruntons fend l’horizon désertique percée d’arbres étonnamment verts qui poussent ça et là. Une longue réparation des amortisseurs nous offre une bonne sieste à l’ombre maigre d’un arbuste dénudé de feuillage.

17 février 2009

DE BAMAKO A MOPTI - Novembre 2008

Nous rencontrons le fleuve Niger à Ségou. Il nous accompagnera un long bout de chemin dans les prochaines semaines. La ville, calme et aérée s'étire le long du fleuve. On se promène dans le marcher de la ville, coloré et doucement agité, et dans l'ancien quartier colonial, aux maisons caractéristique de style dit "soudanais". Puis à bord d'un mini-bus surchargé comme il se doit, nous partons le long du delta du Niger. Alors que le crépuscule approche, un paysage étrangement ordonné défile sous nos yeux. Profitant de la proximité du fleuve, un vaste réseau d'irrigation a été aménagé lors de la colonisation pour favoriser la culture du coton dans cette zone plane. Aujourd'hui, les rizières ont remplacé les champs de coton. La route longe un large canal et des arbres la bordent à l'entrée de chaque village. Ce paysage si sage d'une nature contrôlée et apprivoisée est un peu insolite en terre africaine. Alors que la nuit tombe, nous succombons à une idée qui nous trottent dans la tête depuis le début du voyage : nous arrêter au milieu de nul part et voir se qui se passe. On quitte le minibus déglingué en face d'un joli village arboré, Kokri. Un homme nous indique la direction de la concession du maire du village. Là, un accueil chaleureux nous attend. Le maire est flatté de recevoir la visite inattendue de 2 étrangers. Nous expérimentons réellement l'adage qui veux qu'en Afrique, il y aura toujours de quoi recevoir l'étranger de passage. Le maire nous invite à manger et nous trouve un endroit où dormir. On discute un peu dans la fraicheur de la cour de la concession familiale, qu’entourent en carré les pièces d'habitations de chaque famille de la Grande Famille. Le lendemain, nous nous réveillons avec les doux champs des enfants de l'école maternelle... Que demander de plus ?
Au gros bourg suivant, on nous trouve une pinasse qui part s'approvisionner à un marcher en aval. L'embarcation fend paisiblement l'immense étendue d'eau où se reflète ciel et rivages. Petit trafic de pinasses en bois hérissées de marchandises, d'animaux parfois, et de passagers. Sur le fleuve, des gestes insignifiant prennent des dimensions mystiques, comme cet homme saluant au loin des villageois les bras en V, les paumes de la main face à la rive, un chapelet pendu au poignet. Après un splendide coucher de soleil, nous débarquons à Diafarabé. En l'absence du maire, c'est son frère Kassoum, d'à peu près notre âge qui nous reçoit.
Nous passons finalement 6 jours dans cette ville, en compagnie de Kassoum. Arrivés le mardi, on nous invite à rester jusqu'au samedi pour assister à la Grande Traversée du fleuve Niger par les troupeaux de zébus. Plein de fierté, on nous signale que l'événement est maintenant classé au patrimoine mondial immatériel de l'UNESCO. Nous profitons encore d'un accueil extraordinaire. Nous logeons dans une pièce poussiéreuse mais indépendante dans la concession de la grande famille du maire, Lamine Djiré, personnage autoritaire mais plein d'une sympathique énergie. On nous convie systématiquement à partager avec la famille les trois repas de la journée. Aucune contribution ne nous sera demander, mais nous laissons un petit pécule en fin de séjour à la femme du maire, qui l'accueille avec un sourire simple. Dans notre coin de concession, les enfants du maire, Modibo, Nana, Oumou, et Babarou, assurent l'animation. Gaëlle passe avec eux de longs moments d'échanges rieurs. C'est un plaisir de discuter avec Kassoum. Diplômé en comptabilité, il "chôme" depuis 3 ans, Il s'est marié religieusement pour régulariser une grossesse en cour, mais n'a pas les moyens pour l'instant de faire face aux dépenses des festivités prévues pour un mariage. Il vit à Ségou, mais face à la pression des naissances à venir (il va avoir des jumeaux), il s'est réfugié pour quelques temps dans le village familial. Sa sœur aînée, qui l'a en partie élevé lui prête une oreille attentive. Dans sa case en banco, au mobilier sommaire, éclairée par un néon faiblard, une touchante conversation s'engage entre le frère venu chercher conseils et avis, et la sœur à l'attention quasiment palpable dans l'air. 
Nous assistons en coulisse au préparatif de la Grande Traversée. Nombreux seront les ministres et notables pour assister à l'événement. Lors de réunion plénière en Mairie, outre l'intendance et la logistique, le principal problème est de faire rentrer les impôts et taxes dues pour financer l'événement. Notamment les 5000 francs CFA de droit de passage pour chaque troupeau. Le rythme lent de la palabre s'impose. Le maire donne des instructions jusque dans les moindres détails. Face au montant risible des contributions des commerçants, le maire commence à énoncer publiquement les contributions de chacun avec force commentaire :" Monsieur Un tel, 100 francs CFA. Mais c'est un assassinat çà !". On débat pour savoir si les bouchers sont des commerçants, et donc taxables, ou des artisans. Face à la lenteur du processus, l'assistance s'exaspère parfois, mais le plaisir de chacun à prendre part à la palabre est évident.
On se balade aussi dans Diafarabé, ville aux maisons de banco, enserrée par des bras du fleuve Niger et un de ses affluents. En fait nous réalisons que nous sommes sur une île. Bozos, Bambara, et Peuls cohabitent. Traditionnellement, l'imam est bozo, le chef de village peul (ce sont les fondateurs de la ville), et le maire bambara. Les quartiers ont une identité ethnique, mais leurs populations sont tout de même mélangées, sauf peut-être le quartier peul historique. Seuls les tas de sacs plastiques, troublent la promenade dans le bourg et les hameaux alentours.
La veille de la Grande Traversée, nous assistons à une fête où des femmes dansent avec une grâce affectée de nonchalance, sur une musique rythmique et lancinante que donne un tambour, une calebasse, et une flute peule, amplifiée par un haut parleur apportant une touche "trash", mais bizarrement en accord avec l'ambiance générale. Les jeunes pasteurs peuls après de longs mois de transhumance solitaire, fiers de leur retour triomphal à la tête de leur troupeau, sont très excités. Dans la rue, l'un d'eux plaque sans préavis sa main sur le sexe d'une jeune fille qui la retire en pouffant de rire. Des regards échangés, des mains qui s'étreignent, témoignent d'amours naissant.
La Grande Traversée, nous y assisterons depuis l'autre rive du fleuve, d'où partent les troupeaux. Sur une large partie du rivage, des centaines de zébus sont regroupés en troupeau. A hauteur de bête, c'est une forêt de cornes longues et épaisses, déclinant toutes les nuances du marron. Les beuglements s'étirent dans l'air. Les bergers ont revêtu leurs plus beaux boubous. Certains portent des chapeaux en cuire et vannerie. D'autres ont le visage tatoué d'un henné vert émeraude. Tous sont équipés de leur bâton de berger caractérisé par un nœud sculpté dans le bois à une extrémité. Ils tournent en groupe, dansent et crient, autour des bêtes déroutées par cette agitation. Pour l'occasion, les plus beaux zébus ont été peints de motifs colorés et géométriques. Les bergers se saluent, vont d'un troupeau à l'autre dans une effervescence retenue par l'attente de la traversée. Des militaires assurent le service d'ordre, mais les organisateurs sont des chefs peuls. On discute vivement pour convenir de l'ordre de passage de chaque troupeau. Soudain, s'élance le premier d'entre eux. Les bergers les plus jeunes suivent à la nage. D'autres supervisent depuis les petites pinasses bozos, où sont également embarqués les veaux les plus jeunes. Après une demi-heure de départs ordonnés, la confusion l'emporte, et plusieurs troupeaux partent en même temps. Le cours du fleuve est zébré de longues traînées de cornes. Les troupeaux s'étirent en courbes accentuées par l'effet du courant. Les têtes de bétail dodelinent au rythme de la nage, leurs mouvements accentués par les cornes disproportionnées. Nous regagnions la ville, la tête pleine de cette agitation. Dans les rues, les jeunes pasteurs continuent leur défilé, chacun affublé d'un gros transistor, sauvé des années 70, en bandoulière autour du coup, un peigne fiché dans leur coiffure afro. Le soir, les danses reprennent. Les femmes et les jeunes filles portent de grosses boucles d'oreilles dorées qui forment des vagues. Leur cheveux sont finement tressés et plaqués le long du crane. Les lèvres de leurs bouches, qui pendouillent disgracieusement, sont cerclées de tatouage. La soirée sera longue, mais nous avons eu notre compte de couleur, de mouvement, et de bruit.

 

Après une journée d’attente, à l’abri d’une tonnelle sur le bord du fleuve, nous embarquons sur une pinasse publique à destination de Mopti. On se ménage une place pour dormir sur le toit plat, à côté d’hommes déjà installés. Le pont est occupé par de gros sacs de riz et des femmes accompagnées de leurs enfants. Le vent rend la nuit fraîche. Le lendemain, au rythme lent de notre embarcation – 24 heures seront nécessaires pour couvrir 125 km – les beaux villages de banco se succèdent. D’autres villages, bozos, aux maisons de pailles plus faciles à transporter quand vient le temps de suivre les poissons en amont ou en aval du fleuve, sentent le poisson. Sur la rive, la vie quotidienne se laisse apercevoir : des femmes nettoient leurs marmites, des pêcheurs lancent leurs filets, des enfants nus s'amusent dans l’eau. Un coucher de soleil nous offre une fois encore de magnifiques couleurs quand apparaissent enfin les lumières de Mopti.

Publicité
Publicité
1 2 3 4 5 > >>
Pas à pas ...
Publicité
Publicité